Description
Des avancées scientifiques ont permis d'augmenter le taux de guérison et la durée de survie de nombreux cancers. En outre, la frontière entre curatif et palliatif est de plus en plus difficile à poser et évolue au cours de la trajectoire des patients en fonction des résultats obtenus par les traitements anticancéreux. Ces progrès se mesurent désormais également auprès de la population âgée de 70 ans et plus qui représente aujourd'hui la majorité des cancers diagnostiqués dans de nombreux pays et en Suisse. Malgré cela, les personnes âgées font rarement l'objet de recherche spécifique en raison de leur fragilité. Par ailleurs, elles ne sont souvent pas pensées comme une catégorie sociale qui mérite une attention particulière au vu des discriminations et des regards âgistes à l''uvre dans les soins, qui se cumulent à une représentation négative des thérapies anticancéreuses. De nombreuses études ont montré que les personnes de 70 ans et plus bénéficient pourtant de ces thérapies lorsqu'elles sont adaptées à leurs conditions particulières, telles que les comorbidités, la polymédication, ou encore la perte d'autonomie.
Problématique : Dans une perspective socio-anthropologique, l'expérience vécue par des personnes de 70 ans et plus des traitements oncologiques lorsque leur trajectoire va vers une guérison, une rémission de longue durée ou un statut de
chronicité, sont au c'ur de ce projet. D'un côté, les personnes âgées souffrent d'un manque de considération pouvant mener à l'abstention thérapeutique, de l'autre, leurs spécificités liées à l'âge ne seraient plus un obstacle aux traitements, une fois identifiées. Nos recherches antérieures sur le sujet ont montré que la figure du battant concentrait les tenants de cette ambivalence (Foley et al, 2019). L'expérience quotidienne des traitements par les personnes concernées reste par ailleurs peu investiguée. L'objectif de cette étude est donc double : 1/ saisir comment la gestion des traitements anticancéreux s'effectue dans le quotidien au fil des mois lorsque l'évolution de la maladie est suspendue ou favorable ; 2/ comprendre comment se constituent des savoirs à partir de l'expérience des traitements et quelles en sont l'utilité perçue par leurs pair.e.s et les professionnel.le.s de santé.
Questions de recherche : quelles sont les expériences des traitements contre le cancer des personnes de 70 ans et plus ayant une trajectoire évoluant favorablement ou de manière stabilisée ? Dans quelle mesure l'appropriation des
traitements contre le cancer au quotidien permet-elle de constituer un savoir expérientiel qui peut être mobilisé par d'autres groupes d'acteur/-trices concernés par la prise de traitements anticancéreux ?
Approche et méthode : dans une perspective socio-anthropologique considérant le médicament comme mode d'interaction et comme un objet avec une efficacité biochimique et symbolique souvent associé à des rituels ; s'appuyant sur des recherches autour des médicaments considérant les liens entre significations accordées aux traitements et des formes de mieux-être, nous mènerons 50 entretiens et 30 observations complétées de 40 auto-enregistrements audio ou de notes autobiographiques auprès de 10 personnes de 70 ans et plus sur une période de 12 mois, à des moments-clés par ex. avant, durant et après la consultation à l'hôpital ou lors d'une visite chez un.e praticien.ne de médecine alternative, ou encore à domicile lors de pratiques ritualisées. Après 6 mois d'entrée dans le processus, des extraits d'entretiens seront filmés, montés puis visionnés lors de 4 focus groups auxquels participeront les patient.e.s de l'étude, des personnes en début de parcours de cancer, des professionnel.le.s de santé, ainsi que des étudiant.e.s en sciences de la santé, afin de confronter leur expérience au regard de leurs pairs et de (futurs) professionnel.le.s. Portée de la recherche : nos résultats permettront d’approfondir l’étude des médicaments, des innovations en oncologie et de la vieillesse en sciences sociales en s’intéressant à l’expérience des traitements comme constitutive de savoirs expérientiels pouvant être mis à disposition tant des personnes concernées que des professionnel.le.s de la santé, ainsi que pour sensibiliser le public et les décideur.e.s concernant cette réalité épidémiologique faisant que les personnes âgées traitées pour un cancer évoluant favorablement ou de manière stabilisée deviennent un enjeu de santé publique.