Deux enseignant.e.s de la filière TRM théorisent le dilemme du CT-Scan et obtiennent un prix
Chaque profession a son « graal » : une problématique de longue date à la résolution de laquelle plusieurs générations se sont attelées. Pascal Monnin et Sandrine Ding, tous deux maîtres d’enseignement dans la filière Technique en radiologie médicale (TRM) se sont attaqués à celle du CT-scan, qui existe depuis l’invention de cette technique d’imagerie. Son petit nom est : problématique des effets de volumes partiels. Sur la base d’une recherche, ils ont proposé comme solution un modèle mathématique pragmatique et utilisable dans la pratique.
Formé d’un ingénieur EPFL, Pascal Monnin, et d’une biologiste, Sandrine Ding, le duo d’enseignant.e.s-chercheurs.euses met en lumière l’intérêt d’associer des compétences complémentaires pour la recherche, ainsi que le lien entre enseignement et recherche et, en dernier lieu, l’apport des étudiants.
L’art de bien découper la galette des rois
Pour bien comprendre le dilemme physique et scientifique auquel s’est attaqué le duo, prenons la métaphore de la galette des rois et posons ce défi aux gourmand.e.s : quelle est l’épaisseur de tranche optimale pour obtenir le maximum de parts de gâteau sans découper la fève ?
Le CT-scan produit, lui aussi, des « coupes » du patient. Or, l’objet recherché (une éventuelle lésion, c’est-à-dire notre fève) peut se trouver à l’intérieur de la coupe (la part de gâteau) ou à cheval (la fève est coupée). Dans la mesure où l’on ne connaît ni sa taille ni sa position, il y a un aspect aléatoire. Par contre, le TRM peut optimiser les résultats en réglant différents paramètres.
Le premier – à l’instar de notre galette – est la largeur de la coupe. La situation idéale est que l’objet se trouve au sein d’une coupe fine : la visibilité est alors excellente. Inutile pour autant de faire des parts trop grosses : l’objet sera noyé dans la masse. Mais plus les tranches sont fines et plus le risque de « couper la fève » est grand. Et, justement, la pire situation survient lorsque l’objet se trouve partagé entre deux « tranches » différentes. Noyé dans le reste des éléments, son contraste est diminué avec le risque qu’il échappe au diagnostic. On parle alors d’effet de volume partiel.
La problématique pour les TRM est de bien choisir les paramètres d’acquisition et de reconstruction des images pour limiter ces effets de volumes partiels.
La difficulté est que, en plus du facteur chance, le TRM doit choisir l’épaisseur de coupe donnant le meilleur compromis entre le contraste et le bruit de l’image (le signal parasite de l’image). La probabilité de détection dépend du rapport entre le contraste et le bruit de l’image. Ces paramètres interagissent entre eux : le contraste diminue quand l’épaisseur augmente ; de son côté, le bruit diminue. En résumé, il n’y a pas de situation parfaite.
Rencontre avec Pascal Monnin et Sandrine Ding, maîtres d’enseignements dans la filière TRM
Comment avez-vous abordé le sujet ?
On l’a dit, la problématique des effets de volumes partiels en CT-Scan existe depuis les débuts, il y a donc beaucoup de gens qui travaillent dessus. Nous avons proposé ce sujet à deux étudiants, Nicolas Sfameni et Achille Gianoli, pour leur Travail de Bachelor (TB) en leur suggérant d’étudier l’effet de plusieurs paramètres d’acquisition et de reconstruction des coupes. Ce travail a été dirigé par Sandrine Ding. Les étudiants ont produit un travail d’excellente qualité avec des résultats intéressants et cohérents, ce qui démontrait que la méthode utilisée était rigoureuse.
De là est née l’idée d’un modèle mathématique qui pourrait expliquer les résultats. « Cela m’a semblé une piste à investiguer », explique Pascal Monnin, qui a eu l’idée de développer un outil pragmatique.
Comment, en effet, trouver le réglage optimal en fonction d’une situation donnée ? « Nous avons pris le rapport contraste/bruit et effectué une modélisation en tenant compte du paramètre statistique de la position de l’objet. Le résultat est un modèle mathématique simplifié. Il s’agit d’une solution pragmatique et rapide pour la clinique, qui donne une solution approximative mais très proche de l’idéal ». En résumé, une solution suffisante dans la plupart des cas.
Comment passez-vous de l’enseignement à la recherche ?
Dans le cas présent, il s’agit d’une recherche menée dans le cadre de notre mandat d’enseignant.e.s, sans financement extérieur. L’enseignement sert aussi à développer des instruments d’amélioration des pratiques sur le terrain. En l’occurrence, ce cas est assez idéal : nous avons pu récolter des données sur un sujet d’actualité ; il en est né une idée, qui a pu être développée grâce à la recherche. C’est ainsi que la recherche fait avancer la connaissance, laquelle est ensuite réintégrée dans la pratique et l’enseignement.
Vous avez pu publier vos résultats dans le Journal of Applied Clinical Medical Physics et obtenu un prix ?
En effet, ce type de recherche, qui débouche sur une solution relativement simple à appliquer, devait intéresser les pairs.
Notre recherche a fait l’objet d’une publication dans le Journal of Applied Clininal Medical Physics, une revue en libre-accès, dédiée aux personnes intéressées par la physique médicale. La revue scientifique et internationale fait partie du pool des journaux de l’American Association of Medical Physics (AAPM).
De plus, cette publication a reçu le prix d'excellence 2017 délivré par l’AAPM, récompensant le meilleur article de physique en imagerie médicale publié dans l’année. Il est très rare de recevoir un prix pour une publication.
Ce modèle mathématique a-t-il des retombées dans la pratique ?
Sandrine Ding : « dans l’article, nous avons considéré des objets de différentes tailles. Nous avons obtenu des paramètres optimaux de visibilité en testant le modèle sur une large gamme de cas. »
Pascal Monnin : « je travaille également à l’institut de radiophysique, et mes collègues chargés d’auditer les protocoles CT-scan ont utilisé ce modèle pour proposer une optimisation des paramètres d’acquisition en Suisse romande ».