Le film "De chaque instant" ouvre le débat sur la formation infirmière

Avec "De chaque instant", 16 ans après "Être et avoir", Nicolas Philibert consacre un nouveau documentaire aux dizaines de milliers de jeunes qui, chaque année, entreprennent les études pour devenir infirmiers-ères en France. Au cours de trois années intenses et difficiles, ils devront acquérir de nombreuses connaissances, maîtriser des procédures, et se préparer à de lourdes responsabilités. Le cinéaste a suivi certains d'entre eux au cours d'un apprentissage qui les met face à la fragilité humaine, aux maladresses de l'âme et du corps, à la souffrance, la maladie et parfois la fin de vie.

Le 30 août, ce film a été présenté en avant-première à Lausanne en présence d’une délégation de professionnels, d’enseignants et d’étudiants en Soins infirmiers de HESAV et du CHUV. La projection a été suivie d’un débat autour de la thématique « de la formation à la pratique, l’évolution du métier d’infirmier-ère », sous la modération de Patrick Van Gele, doyen de la filière Soins infirmiers de HESAV. Bien que le documentaire offre un certain regard sur la formation, qui plus est dans une réalité différente de la nôtre, il a nourri la discussion sur la formation en Soins infirmiers en général et en Suisse.

Les fondamentaux du métier

En premier lieu, le film a le mérite d’illustrer les fondamentaux du métier, en particulier le savoir-être auprès des patients, l’accompagnement dans les moments difficiles et, finalement, la dimension humaine, qui est à la fois un point fort de la profession et du film.

La motivation et l’investissement affichés des étudiants, de leurs encadrants et des soignants donne au documentaire une dynamique très positive. Il offre une plongée dans le monde des apprenants en leur donnant la parole et en mettant en valeur leur vécu, qui se révèle international et universel. Les étudiants HESAV présents ne s’y sont pas trompés : « les étudiants du film vivent la même chose que nous », ont-ils dit, citant le stress du geste technique sous supervision en exemple.

Du côté des enseignants, l’écho est le même : « ce documentaire m’a permis de revivre ma formation » relève l’une des personnes présentes. Le film, en effet, met l’accent sur le rôle du formateur dans un métier complexe où de nombreuses émotions sont présentes. L’enseignant joue ainsi un rôle de formateur théorique tout en devant investir la gestion de l’émotionnel et de l’humain

La formation

La technologie a de plus en plus un impact sur la formation. La simulation sur des mannequins haute-fidélité, par exemple, est très importante car elle permet de donner confiance à l’étudiant en lui laissant le droit de se tromper. « Rien ne vaut l’épreuve de la pratique », relève une professeure.

La discussion glisse alors sur les rôles respectifs de la technologie et de l’humanisme dans le métier, avec un avis général : il est important de maintenir le bon équilibre. Tout en gardant une approche globale du patient, il faut utiliser la technique à bon escient parce que l’aspect humain reste central. Comme le résume un participant : « c’est quelquefois plus important de tenir la main d’un patient que de monitorer un appareil ».

Les spécificités de la formation suisse

Notre dispositif de formation suit le Programme d’études cadre HES-SO de 2012. Nous soignons particulièrement l’alternance théorie et pratique ce qui permet d’appréhender peu à peu des situations de soins complexes. En Suisse, durant les stages, le Praticien Formateur (PF) joue un rôle essentiel, notamment dans l’accompagnement des étudiants : ce sont des experts du terrain avec un bon bagage pédagogique qui, dans leur prise en charge, encouragent la réflexivité (réfléchir sur les situations).

En outre, notre formation fait appel à la pédagogie active, mettant l’étudiant au centre, utilisant par exemple l’APP (apprentissage par problèmes basé sur l’analyse de situations empruntés de la réalité clinique), qui permet un indispensable travail de métabolisation de la connaissance dans une visée de développement des compétences : un savoir agir en situation.

Enfin, les étudiant.e.s suisses ont une grande diversité de stages à leur disposition qui couvrent tous les domaines des soins.

Interrogé.e.s sur leurs craintes et leurs attentes relatives à la vie professionnelle, les étudiant.e.s présent.e.s ont souhaité davantage de temps pour apprendre certains gestes techniques spécifiques. En exprimant un sentiment aussi vieux que la formation en Soins infirmiers : l’anxiété au moment de passer à la pratique sur le patient.

Cette peur est normale et compréhensible, a répondu l’un des formateurs qui rappelle toutefois que, à côté de la mobilisation des savoirs et le savoir-faire, le savoir-être avec le patient demeure essentiel au moment de la formation. En effet, les gestes techniques se perfectionnent et se modifient tout au long de la carrière. Ainsi, développer l’aspect relationnel des soins est aujourd’hui, dans un monde de plus en plus technologique, reconnu comme une compétence essentielle à acquérir durant la formation.