Prévention du mal de dos : au-delà des techniques, une vision élargie - Interview de Vanessa Di Nuzzo Stauffer

En quoi cette nouvelle approche de la manutention vous paraît-elle pertinente ?
Cette approche déconstruit les idées reçues sur le mal de dos, comme celle qui préconise systématiquement de plier les genoux et de garder le dos droit. Elle valorise plutôt des stratégies de mouvement adaptées à chaque situation, favorisant à la fois la sécurité et l’économie d’énergie, pour le ou la bénéficiaire et le ou la soignant·e.
Nous avons également transformé notre pédagogie : d’un enseignement basé sur l’apprentissage d’application de techniques spécifiques, nous sommes passés à une approche globale et réflexive. En effet, nous avons fait évoluer le cours en intégrant la sensibilisation des étudiant·es aux troubles musculo-squelettiques et à leur santé en général, ainsi qu’à l’adaptation de concepts d’accompagnement à la mobilité selon la situation rencontrée. Désormais, les étudiant·es sont invité·es à réfléchir à leur action, en tenant compte du ou de la patient·e, de l’environnement et des contraintes spécifiques. Cette autonomie accrue les prépare à s’ajuster dans une diversité de contextes professionnels.
En quoi cette approche interprofessionnelle enrichit-elle la formation à la manutention ?
L’apport de perspectives variées a été très enrichissant. En partageant nos expériences, nous avons défini des concepts communs applicables à toutes les filières et professions de la santé. Les étudiant·es en APS ont eu l’opportunité d’explorer des situations diversifiées en se mettant à la place d’un·e diététicien·ne, ergothérapeute, ostéopathe, infirmier·ère, physiothérapeute, technicien·ne en radiologie médicale ou sage-femme.
Tous les soignant·es sont concerné·es par la manutention, même si certaines professions l’utilisent plus fréquemment que d’autres. Pour préparer les étudiant·es, nous avons varié les scénarios pédagogiques :
- Les lieux : cabinet, hôpital, ou domicile
- Les patient·es : enfants, adultes, personnes âgées
- Les contextes cliniques : neurologie, chirurgie, pathologies chroniques, etc.
- L’environnement : gérer des contraintes comme l’espace restreint pour effectuer la manutention ou des limitations comme la simulation de soignantes enceintes ou de soignants ayant mal au dos
Enfin, nous avons simulé des situations où les étudiant·es doivent collaborer avec d’autres professionnel·les. Cela leur offre une expérience complète, les préparant aux conditions réelles du travail en équipe interdisciplinaire dans les institutions socio-sanitaires.
Pensez-vous que ce type de programme puisse avoir un impact à long terme sur la santé des soignant·es en exercice ?
Ce programme a le potentiel d’avoir un impact durable sur la santé des futur·es professionnel·les, au delà de la prévention du mal de dos. Les étudiant·es vont être porteur d’une possibilité de remise en question des pratiques de la manutention.
En les incitant à réfléchir de manière holistique à leur bien-être, nous espérons que ces enseignements dépasseront le cadre de la manutention, pour avoir un effet global sur leur santé. Le développement de ces compétences continuera dans leur formation Bachelor, afin de les préparer à devenir des professionnel·les compétent·es, prenant soin des autres et d’eux-mêmes.