- Recherche En cours
À l’épreuve du « faire comme si ». Ethnographie de l’expérience de simulation immersive en santé
REY Séverine (HESAV), SCHNEGG Céline (HESAV)
Résumé du projet
La simulation immersive, avec mannequins ou patients simulés, connaît un fort essor dans le domaine de la santé surtout dans des pays occidentaux, tels les États-Unis, le Canada, la France et la Suisse. Son développement répond à l’objectif de reconstruire une situation aussi fidèle que possible à l’activité clinique afin d’accroître le réalisme de l’expérience de simulation auprès des apprenants . Elle engage un dispositif complexe d’un point de vue technique (salle de simulation, régie, mannequin haute-fidélité) et pédagogique (scénario autour d’une situation clinique, briefing, jeu et débriefing). Elle permet, selon ses promoteurs, de former les soignants de manière ciblée, fiable et sécurisée selon l’exigence éthique « jamais la première fois sur le patient ». Elle apparaît également comme une réponse pratique et économique au manque de places de stage en milieu hospitalier durant la formation, et au perfectionnement des compétences des professionnels de la santé en activité – coordination interprofessionnelle et soins aigus.
Alors que la littérature sur la simulation immersive postule un lien entre le degré de fidélité de la situation et la qualité de l’expérience des apprenants, le projet que nous proposons renverse la perspective. Nous soutenons en effet que la simulation immersive est une situation qui est moins marquée par le réalisme et la lisibilité, que par le trouble. Elle déclenche, chez les apprenants, une double enquête – diagnostique et ontologique – visant à réduire l’incertitude de la situation dans laquelle ils sont engagés. Dans le sillage d’une sociologie pragmatique de l’expérience, notre projet se propose d’étudier la façon dont les apprenants « éprouvent » concrètement le dispositif de simulation (pédagogique, fictionnel et normatif) et les agencements socio-matériels qui le composent, notamment les mannequins auxquels ils attribuent plus ou moins d’humanité. Cette recherche vise à appréhender, selon une logique de description mince, les situations de vulnérabilité ou de rupture du cadre fictionnel, ainsi que les différentes opérations de recadrage et de rétablissement de l’engagement dans la simulation qu’apprenants et formateurs mettent en œuvre pour y faire face.
Une enquête ethnographique sera menée sur quatre lieux de formation : le Centre Interprofessionnel de Simulation de Genève, la Haute École de Santé Vaud, les services de néonatologie et des urgences du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois et l’École Supérieure d’Ambulanciers et Soins d’Urgence Romande. Cette perspective comparative – différents lieux, artefacts, professions, publics professionnels ou étudiants – permettra d’éclairer de manière systématique et contrastée les modalités d’épreuve (langagière, corporelle, plus ou moins outillée) qui président à l’expérience de simulation et au maintien de son cadre, selon une logique allant du particulier au général. En thématisant les « accrocs » de la simulation et en démontrant qu’ils ne sont pas des obstacles à l’apprentissage, mais au contraire des leviers à l’enquête des apprenants participant de leur réflexivité, cette recherche entend participer au renouvellement de la réflexion sur l’expérience de la simulation immersive et proposer aux institutions formatrices et aux enseignants des informations particulièrement riches et adaptées aux difficultés rencontrées.
Équipe de recherche
-
REY Séverine
Requérante principale
HESAV -
SCHNEGG Céline
Collaboratrice
HESAV
Financement
- FNS - Fonds National Suisse - Division I Sciences humaines et sociales