Accompagner les seniors à domicile face à leurs besoins spirituels et existentiels
Le projet s'appelle ASEPÂ, « Accompagnement spirituel et existentiel des personnes âgées de plus de 65 ans suivies par des prestataires de soins à domicile ». Il reçoit un financement de Vieillir2030, cadre d’orientation du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) du canton de Vaud en matière de politique vieillesse.
Pour le présenter, Rachel Démolis (HESAV), Pierre-Yves Brandt (ISSR/UNIL) et Giampiero Gullo (Eglise Catholique VD – CADEMS), requérant.es du projet, ont répondu à nos questions.
Dans quel contexte ce projet émerge-t-il et pour répondre à quels besoins ?
Pierre-Yves Brandt
La population vieillissante en Suisse augmente, de même que les situations de maintien à domicile, pour éviter la surcharge des EMS. La perte de mobilité et, plus globalement, la baisse de l’état de santé s'accompagnent bien souvent d’un sentiment d’isolement. Autant de réalités qui font naître des besoins spirituels et existentiels qui risquent d’être laissés sans réponse, du fait notamment de la distanciation et la désaffiliation grandissante de la population par rapport aux Eglises.
Giampiero Gullo
Les Eglises catholique et réformée connaissent bien ces enjeux. Nous les accompagnons déjà au sein des EMS ou dans les hôpitaux. Nous accueillons les récits, les questionnements et les besoins spirituels et religieux des personnes dans une perspective œcuménique au service de toute la population. Une telle structure n’existe pas dans le cadre des centres médicaux-sociaux et des services d’aide et de soins à domicile.
Rachel Démolis
Le personnel soignant, tout comme les proches des personnes accompagnées par les soigant.es se retrouvent souvent désemparés face à ces demandes. L’approche de la fin de vie est parfois pavée de sujets existentiels délicats à aborder pour les différentes parties prenantes. Dans une approche compréhensive de la personne, il est important de prendre en considération les dimensions “bio-psycho-sociale" et spirituelle de la santé.
Quels sont les objectifs du projet et comment va-t-il se dérouler ?
Giampiero Gullo
Côté population, il s’agit de renouer avec les personnes que nous avons “oubliées”, celles hors Eglises ou qui s’en sont distancées en accompagnant leurs besoins spirituels, existentiels et religieux.
Pierre-Yves Brandt
Côté CMS, l’objectif est de former les prestataires d’aide à domicile afin qu’ils et elles connaissent les ressources disponibles (paroisses et communautés religieuses, bénévoles formé.es à l’écoute, accompagnant.es spirituel.les indépendant.es, …) et puissent les solliciter et/ou guider les patient.es vers elles.
Rachel Démolis
Le projet consiste à élaborer et à distribuer ces formations, mais aussi à créer un dispositif qui puisse favoriser et légitimer l’intervention du personnel soignant sur ces sujets. Nous mettrons cela en œuvre de manière itérative, afin d’ajuster en permanence nos propositions aux besoins et pratiques du terrain.
Quelles solutions apportent concrètement le projet ?
Rachel Démolis
La première étape, en cours, est de cartographier les institutions et les personnes qui peuvent répondre aux besoins existentiels et spirituels. Ensuite, nous pourrons former des « personnes-ressources » parmi les prestataires, qui auront à charge de laisser émerger les besoins sur le terrain. Ces besoins seront répertoriés dans le dossier des patient.es. Ce n’est pas une tâche évidente, parce qu’ils sont rarement formulés de manière explicite. Il s’agit donc d’apprendre à identifier certains signes, à poser des questions.
Pierre-Yves Brandt
A cette nouvelle fonction au sein des institutions s’en ajoute une seconde, celle de « référent.e spirituel.le ». Son rôle est d’évaluer les besoins remontés par le terrain, de les préciser si besoin en rencontrant la personne concernée. Cela permet ensuite de mettre en place avec elle un plan d’accompagnement spécialisé en s’appuyant sur le catalogue de ressources. Pour le personnel soignant, rester avec l’impression de ne pas pouvoir répondre aux besoins des patient.es peut augmenter la pénibilité du travail. Ce dispositif offre des solutions concrètes pour éviter ce sentiment.
Giampiero Gullo
La solution est bien différente de nos manières de travailler en EMS ou en hôpital. C’est que chaque lieu demande un accompagnement dédié, sur mesure, qui prend en compte les spécificités du terrain. Ici, il s’agit de faire avec l’éclatement géographique et l’intrinsèque collaboration interprofessionnelle. A terme, le dispositif et la méthode d’implantation ont vocation à se déployer à plus large échelle.
Qu’est-ce que cette collaboration tripartite a de bénéfique ?
Giampiero Gullo
Cette collaboration est déjà une victoire en soi. Nous avons trouvé nos marques communes à travers nos cultures pourtant très différentes. Pour les Deux Eglises, c’est de plus une vraie chance de travailler avec des expert.es de la conduite de projets, de l’analyse et de la recherche.
Rachel Démolis
Du côté de HESAV, nous sommes ravi.es de bénéficier des savoirs de l’Institut des sciences sociales des religions de l’UNIL en matière de besoins spirituels de la population, des capacités des bénévoles et des institutions. Et le CAEDMS apporte une expertise fine et qualitative en matière d’écoute et d’accompagnement.
Pierre-Yves Brandt
Je rejoins Rachel : l’expertise du CADEMS sera essentielle pour recruter les personnes compétentes aux postes de « référent.es spirituel.les ». Quant à HESAV, l’équipe amène son expertise du monde du soin. Cela nous permettra de penser la formation du personnel soignant de façon pertinente et efficace.