Etude sur le profil infirmier

Philippe Longchamp, professeur HES ordinaire, et Kevin Toffel, adjoint scientifique HES, expliquent leur projet.

Pourquoi vous êtes-vous intéressés à ce projet ?

L’intérêt initial pour ce projet est apparu lors du travail de thèse de Philippe Longchamp sur l’activité des infirmiers-ères scolaires. Cette thèse avait permis de mettre en évidence certaines représentations et pratiques du métier. Ce qui soulevait une interrogation: ces représentations et pratiques étaient-elles spécifiques aux infirmier.ère.s scolaires, ou se retrouvaient-elles chez tous ces professionnel.le.s, quel que soit leur secteur d’activité? La littérature sur le sujet ne faisait qu’évoquer cette question, sans la traiter véritablement. Ce constat nous a convaincu de l’intérêt qu’il y avait à étudier la manière dont les représentations et pratiques des infirmier.ère.s peuvent varier suivant les différents secteurs d’activité. Nous avons mené ce projet conjointement avec Felix Bühlmann et Amal Tawfik (UNIL)

Quels objectifs avez-vous poursuivis avec ce projet ?

L’objectif était de livrer une sorte de « photographie » de la profession à l’échelle de la Suisse romande, en intégrant toutes les infirmier.ère.s, quel que soit leur secteur d’activité: ceux qui exercent à l’hôpital autant que ceux qui exercent en milieu extra-hospitalier, ceux qui se trouvent au lit des patient.e.s autant que ceux qui occupent des postes de cadre, d’enseignement ou de recherche.

Quelles en sont les résultats ?

Les résultats reposent sur l’analyse de 22 entretiens et 2923 questionnaires. Ils révèlent une extrême diversité au sein de la profession: entre une infirmière de 57 ans titulaire d’un diplôme ES exerçant dans un EMS d’une région rurale, d’une part, et un infirmier de 26 ans titulaire d’un diplôme HES exerçant aux soins intensifs dans un hôpital universitaire, d’autre part, les pratiques et représentations du métier varient considérablement, qu’il s’agisse du type de patient.e pris en charge, du type de savoirs et savoir-faire mobilisés, de la relation avec les patient.e.s et avec les autres professionnel.le.s, etc. Plus précisément, nous avons montré que les infirmier.ère.s se distinguent avant tout selon deux critères: leur volume de ressources (nombre et durée des formations postgrade, taux d’activité, etc.), d’un côté, et de l’autre le type de ressource (physiopathologie, pharmacologie, maîtrise d’instruments ou machines, sciences infirmières, sciences humaines et sociales, savoirs paramédicaux, etc.). Nous avons ainsi distingué quatre groupes d’infirmier.ère.s selon leur profil et leur secteur d’activité.

Avez-vous été surpris des résultats et, si oui, pourquoi ?

Là où nous avons été surpris, c’est la constance avec laquelle les infirmiers-ères situent les différents secteurs d’activité sur une échelle de prestige: quels que soit leur sexe, leur âge, ou leur secteur d'activité, tous s’accordent à situer les secteurs aigus en haut de la hiérarchie, et les secteurs dévolus aux personnes âgées et aux maladies chroniques au bas de cette même hiérarchie.

À votre avis, cette recherche aura-t-elle des retombées sur le terrain ? Et si oui, sur les enseignements, sur les pratiques professionnelles, voire des retombées plus larges ?

Nous sommes en train de diffuser nos résultats auprès des professionnel.le.s. La manière dont nos résultats permettent d’objectiver l’attractivité de certains secteurs plutôt que d’autres rencontre un écho favorable dans le contexte actuel de pénurie de soignants. S’agissant de l’enseignement, nous sommes convaincus qu’une telle « cartographie » de la profession infirmière permettra aux étudiants de s’orienter de manière plus éclairée dans la profession. D’un point de vue scientifique enfin, la parution prochaine d’un article dans la Revue Française de Sociologie témoigne de l’intérêt de notre recherche pour la discipline.

Voir aussi : 24.01.2018 : Bilan.ch Article : « Le vrai portrait du personnel infirmier » (Jean-Philippe Buchs)