Physiothérapie : entre enseignement et recherche
En parallèle à son activité d'enseignant et à sa pratique en cabinet, Guillaume Christe, maître d’enseignement dans la filière Physiothérapie, a récemment débuté un doctorat qui lui permettra de développer ses compétences en recherche.
A quel thème vous intéressez-vous ?
Je travaille sur le mal de dos. Plus spécifiquement, j’essaye de mieux comprendre le lien entre le mal de dos et le mouvement, ainsi que le lien entre des facteurs psychologiques, notamment certaines croyances, et le mouvement.
Pourquoi faut-il intégrer la recherche à l’enseignement ?
En physiothérapie, comme d’ailleurs dans d’autres professions de santé, les connaissances évoluent énormément. Par exemple, notre compréhension du mal de dos a beaucoup évolué ces dernières années et cela a une grande influence sur la pratique et l’enseignement aux futur.e.s physiothérapeutes. Prenez toutes ces affirmations entendues des centaines de fois : « faites attention, pliez les genoux », « évitez les charges », « tenez-vous droit.e », etc. Elles sont aujourd’hui remises en question par de nombreuses études. Nous avons fait – et faisons toujours – face à ces croyances qui sont profondément ancrées chez les étudiant.e.s, tout comme chez les professionnel.le.s de santé. C’est la recherche qui nous pousse à continuellement réfléchir à nos pratiques et à notre enseignement.
Ainsi, l’accès à la recherche change l’enseignement, voire la pratique ?
Les nouvelles connaissances scientifiques sont intégrées dans les enseignements. Elles nous remettent perpétuellement en question. De ce fait, les étudiant.e.s participent à notre processus de changement : nous ne leur transmettons pas un savoir qui est fixe mais en évolution constante.
Tous ces nouveaux savoirs nécessitent d’acquérir la capacité à les trier. C’est pourquoi, nous mettons volontiers l’accent sur le critical thinking, c’est-à-dire que nous préparons les étudiant.e.s à développer une pensée critique face aux nouvelles connaissances, au niveau Bachelor comme Master. Il s’agit du résultat de toute une réflexion au sein de la filière et cela y a d’ailleurs été intégré de manière transversale.
Cette pensée critique, inhérente à la recherche, s’applique aussi à mon travail d’enseignant. Les projets innovants nous permettent d’apprendre et de remettre en question non seulement le contenu mais également notre méthode d’enseignement, ce qui devrait améliorer notre pratique en tant qu’acteurs de la formation. Les résultats de certains projets (voir ci-dessous) ont notamment été surprenants et il a fallu les intégrer.
Pouvez-vous nous donner des exemples de projets ?
Oui, il y en a plusieurs au sein de la filière :
Twitter : durant ces deux dernières années, j’ai essayé d’intégrer l’utilisation de Twitter dans un de mes modules. Je partais du principe que cet outil est utilisé par beaucoup de physiothérapeutes dans le monde entier pour échanger et partager, grâce à la facilité offerte par les messages très courts. Je voulais montrer aux étudiant.e.s que cette plateforme leur offrait un accès différent au savoir et permettait aussi de développer une certaine culture professionnelle internationale. Evidemment, disposer d’une telle masse d’informations les a obligé.e.s à développer leur pensée critique. Il s’agissait d’une phase de test : un sondage à la fin de la période d’essai a révélé que les étudiant.e.s ont trouvé intéressant d’utiliser Twitter, en théorie, mais qu’ils s’y sont peu investi.e.s dans la pratique. La volonté de s’engager devrait venir une fois le diplôme en poche !
Cours on-line international : dernièrement, nous avons mis sur pied un cours on-line avec un enseignant de Oxford Brookes University. Son principe est le suivant : une histoire de cas est proposée à la fois aux étudiant.e.s anglais.e.s et suisses qui doivent proposer une prise en charge et des pistes de réflexion. Les résultats mettent en évidence les différences entre nos deux pays sur les spécificités du rôle physiothérapeutique et sur la politique de santé et suscitent un échange international on-line. Là aussi, de telles initiatives nous permettent de travailler la pensée critique : ce n’est pas parce qu’on agit d’une certaine manière chez nous que c’est la seule possibilité. On peut envisager des changements, même substantiels.
Les projets « twitter » et « Oxford Brookes » sont des exemples de petits projets de recherche dans l’enseignement. En effet, dans les deux cas, des données ont été récoltées à l’aide de questionnaires auprès des étudiant.e.s afin d’évaluer l’impact de ces projets sur leur apprentissage. Ces initiatives ont aussi eu d’autres retombées dans la recherche : le projet d’Oxford Brookes a été présenté lors d’une conférence sous le titre « Internationalising the physiotherapy curriculum+C9 through a transnational collaborative digital learning project” (Ellis, B. & Christe, G. ). La dissémination du projet Twitter, de son côté, est prévue pour le futur.
Et la pratique ?
Effectivement, il faut ajouter la pratique au binôme recherche – enseignement. Notons qu’une partie des enseignant.e.s de la filière a un pied dans la pratique clinique. Les nouvelles compréhensions qui proviennent de la recherche ont un impact sur la pratique autant qu’elles influencent l’enseignement. L’important pour le développement des soins, c’est de transformer les nouvelles connaissances en applications pratiques et concrètes. Les nombreux liens entre la filière et la clinique facilitent ce transfert.
Les étudiant.e.s sont-ils-elles intégré.e.s ?
Bien sûr ! En plus des projets et cours déjà mentionnés, les étudiant.e.s en fin de cursus préparent un Travail de Bachelor (TB). Tous les travaux présentés l’été dernier étaient basés sur la recherche. Ainsi, ils participent à l’évolution des savoirs. Pour garder l’exemple des lombalgies, nous avons eu plusieurs groupes qui ont travaillé sur ce thème en apportant des éclairages différents, comme :
- Le développement d’un site internet d’information au public. Ce projet encore en cours débouchera sur un outil concret. (Supervision Guillaume Christe)
- La mise en lumière des croyances d’une partie de la population suisse romande. Plus de 1'100 personnes ont été interrogées. Une publication est prévue pour 2019. (Supervision Guillaume Christe)
L’influence de la relation thérapeutique sur l’observance des patients lombalgiques chroniques non spécifiquesSupervision Prof. Rose-Anna Foley).
Les autres Travaux de Bachelor ont eux aussi apporté des éclairages intéressants sur de nombreux sujets actuels en physiothérapie.
Vous avez d’ailleurs l’occasion de découvrir tous les sujets de TB 2018 des étudiant.e.s !
Pour leur travail de Bachelor, Meghan Meyer et Valentina Pizzolato, ici avec Guillaume Christe devant leur poster, ont travaillé sur les lombalgies.