Recherches terminée

La preuve par l’image ? Analyse socio-anthropologique de l’expertise médico-légale à l’heure de l’imagerie forensique

Séverine Rey (HESAV), Céline Schnegg (HESAV) et Alexandre Dominguez (HESAV & CURML)

Résumé du projet

Si l’autopsie chirurgicale occupe encore aujourd’hui une place centrale dans le dispositif d’enquête médico-légale, plusieurs technologies d’imagerie médicale – scanner, IRM, angiographie – s’ajoutent, depuis une quinzaine d’années, aux outils de détermination des causes de la mort. L’imagerie forensique est en particulier développée en Suisse, qui se situe à la pointe dans ce domaine, par des équipes qui la décrivent comme une technique révolutionnaire car elle limite les interventions humaines sur le corps mort et accroît la neutralité de la démarche scientifique. Alors que la discipline de la médecine légale est historiquement fondée sur l’ouverture des corps, ces nouvelles techniques de visualisation introduisent une rupture du point de vue des modalités d’enquête sur la mort. Ni ce tournant, ni les enjeux qu’il implique sur les plans professionnels et sociaux n’ont encore fait l’objet d’une analyse socio-anthropologique – une lacune que notre recherche entend combler par l’intermédiaire de l’ethnographie d’un centre de médecine légale, le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML, Lausanne et Genève), un pôle d’expertise dans le domaine de l’imagerie forensique.

Dans le sillage d’une sociologie pragmatique de l’expertise, intégrant une réflexion sur le rôle des objets techniques dans le dispositif probatoire, ce projet analyse l’innovation que constitue l’imagerie forensique en ce qui concerne ses enjeux sur les pratiques d’enquête et de démonstration des causes de la mort. Il interroge le caractère révolutionnaire de l’imagerie forensique et cherche à évaluer les transformations engendrées par ces techniques en matière de production de la preuve, de même que leurs spécificités par rapport à d’autres techniques d’enquête.

Notre étude se distingue de l’état actuel des connaissances par l’articulation originale qu’elle propose entre activités d’expertise, technologies d’imagerie forensique et ontologie du corps mort. Elle combine en effet une réflexion sur le processus d’innovation technologique, la place de cette innovation dans le dispositif probatoire et le statut du corps mort au sein de ce dispositif. Contrairement à de nombreuses analyses qui mettent en avant la réduction du corps à un objet par le biais des techniques d’enquête et d’imagerie, nous postulons une forme d’agentivité du corps. En effet, en faisant « parler » le cadavre, le dispositif médico-légal le situe dans un état de liminalité : les techniques d’imagerie forensique semblent ici jouer un rôle particulier puisqu’elles permettent de simuler la vie biologique et, dans le cas de l’angiographie post-mortem, de « réanimer » le corps en rétablissant artificiellement la circulation sanguine.

L'équipe de recherche

Financement

FNS, Division I

Durée

36 mois