RECHERCHES EN COURS

Les «violences obstétricales» des controverses aux prises en charge : mobilisations, savoirs, expériences

Patricia Perrenoud (HESAV), Solène Gouilhers (UNIGE), Clara Blanc (HESAV - UNIGE) et Delphine Gardey (UNIGE)

Cette recherche en sciences sociales décrit et analyse les controverses relatives aux «violences obstétricales» en Suisse romande.

Alors que les dénonciations de mauvais traitements subis pendant l’accouchement se sont multipliées à travers le monde, des acteurs variés se saisissent de ces questions. Médias, institutions de soins, groupes féministes ou de parents, politicien.nes et chercheur.euses débattent de la définition de la situation, mais aussi des causes et des moyens pour répondre aux critiques.

A l’intersection de l’étude des sciences et des techniques, de la socio-anthropologie de la santé et des études genre, cette enquête croise les perspectives des différent.es acteur.ices concerné.es. Elle déploie des méthodes complémentaires pour rendre compte des savoirs et expériences qui sont mobilisés, produits ou ignorés dans les controverses relatives aux «violences obstétricales».

L’enquête est organisée en trois axes. Le premier axe analyse les débats publics. Le deuxième porte sur les réactions des milieux de soins par une ethnographie de dispositifs hospitaliers. Le troisième s’intéresse aux initiatives associatives et aux points de vue minorisés.

Cette recherche contribue aux travaux académiques sur la médecine et la santé reproductive, sur le mouvement féministe et les violences de genre. Elle a aussi une portée appliquée, offrant un matériel réflexif aux milieux de soins et de l’action publique.

Résumé scientifique

Dans les années 2000 en Amérique Latine, les mobilisations de femmes à propos de mauvais traitements subis en salle d’accouchement se structurent autour du qualificatif de «violences obstétricales». Les militantes s’efforcent, notamment, de relier juridiquement ces violences à l’ensemble de celles que subissent plus généralement les femmes. En quelques années, cette mobilisation se diffuse à l’échelle internationale, y compris en Suisse. Le changement est important dans l’histoire des luttes féministes qui s’étaient peu intéressées jusqu’ici aux expériences de maternité. Dans le même temps (2015), l’Organisation Mondiale de la Santé publie une déclaration remarquée qui fait de la prévention et de l’élimination des mauvais traitements pendant la naissance une priorité de santé publique.

Si un consensus existe sur l’existence du problème et son importance, la définition, les causes et les moyens de répondre aux violences obstétricales suscitent de vives controverses. Pourtant, ces controverses ont été très peu explorées. Les savoirs juridiques, médicaux, scientifiques et politiques mobilisés pour cadrer et qualifier ce problème n’ont pas fait l’objet d’une analyse spécifique. Les perspectives des différents acteur.rices (professionnel.les/parturientes/institutions) ont également été peu croisées. Enfin, certains contextes sociaux et culturels -- tels celui des pays à haut revenu en général et de la Suisse en particulier – ou certains points de vue – tels celui des femmes minorisées –, ont été peu investigués et demeurent méconnus. Ainsi, les «violences obstétricales», comme fait social, scientifique et public, restent à explorer dans leur complexité.

Notre projet propose de combler ces lacunes en mobilisant une approche à l’intersection de la socio-anthropologie de la santé, des études genre et des études des sciences et des techniques. Il vise à cartographier les différents savoirs produits et ignorés dans cette mobilisation afin de contribuer à l’analyse d’une part des mouvements sociaux, et d’autre part, de la médecine. L’enquête est organisée en trois axes qui déploient des méthodes et perspectives complémentaires et croisent les points de vue. Le premier axe consiste à réaliser une analyse de controverses sur la base d’un recueil documentaire et d’entretiens avec des expert.es. Cet axe retracera les qualifications concurrentes des violences obstétricales et rendra compte des types d’acteurs et de savoirs qui s’expriment et se constituent dans cette controverse. Le deuxième axe repose sur une ethnographie des dispositifs de prise en charge des violences obstétricales dans les milieux du soin et de la formation des professionnel.les de santé en Suisse romande. Il décrira les types de savoirs et d’instruments sur lesquels ces dispositifs s’appuient et participent à (re)configurer. Le troisième axe porte sur les expériences et problématisations des femmes elles-mêmes, et notamment des points de vue qui peinent à émerger dans le débat public et scientifique. Au moyen d’observations dans des groupes de paroles associatifs et d’entretiens avec des femmes aux profils variés, il vise à rendre compte de la construction de savoirs militants et expérientiels, mais aussi de la marginalisation de certaines expériences des soins obstétricaux.

En analysant les différents savoirs et expériences mobilisés, produits ou ignorés dans le débat autour des violences obstétricales, notre recherche contribuera d’une manière novatrice aux travaux sur la médecine et la santé reproductive, sur le mouvement féministe, ainsi que sur l’étude des violences faites aux femmes. Nos résultats auront une portée aussi bien académique qu’appliquée, offrant un matériel réflexif fondamental aux professionnel.les de santé comme aux acteur.rices de l’action publique.

Équipe de recherche

Financement

FNS

Durée du projet

4 ans de 2022 à 2026

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