Documenter les mobilisations du personnel de santé pour l'égalité salariale
Qu’est-ce que les luttes d’hier nous enseignent sur les grands enjeux d’aujourd’hui ? En croisant histoire et études de genre, ce projet de recherche veut contribuer aux débats sur les stratégies en matière de politique professionnelle (InvestPro, « Pour des soins infirmiers forts », etc.). Pour explorer ces enjeux, l’équipe de recherche, qui rassemble la HETLS et HESAV, s’est penchée sur la lutte du personnel de santé à Zurich pour l'égalité salariale entre 1991 et 2003.
« Nous n’avons pas choisi cette mobilisation au hasard », explique Véronique Hasler, Maître d’enseignement à HESAV. « Elle a retenu notre attention parce qu’elle fait écho aux problématiques transversales que nous rencontrons aujourd’hui en matière de valorisation des professions de la santé ». En 1996, 47 professionnelles de santé (infirmières, ergothérapeutes, physiothérapeutes et enseignantes en soins infirmiers), soutenues par leurs associations professionnelles, déposent plainte pour discrimination salariale à l’encontre du canton suite à une révision de l’échelle salariale. « Cette mobilisation a aussi le mérite d’avoir porté ses fruits, ce qui permet de tirer des enseignements pour les préoccupations contemporaines. »
Un film, entre archive et documentaire, sur les luttes pour l'égalité salariale
Le film, qui sera projeté le 21 novembre, documente la lutte d'alors à travers une approche de recherche participative. Il présente des interviews de militantes de l'époque : Susi Wiederkehr, Theresa Witschi et Ursula Grandy, ainsi que Bibiane Egg, l’avocate qui a défendu ce dossier. Ces dernières ont non seulement partagé leurs expériences, mais ont également activement contribué à la réalisation du film.
« Ce documentaire joue un double rôle : il constitue à la fois un corpus précieux pour étudier le mouvement et une archive essentielle pour en préserver la mémoire », explique Véronique Hasler. « De plus, sa création a impliqué directement les militantes qui ont vécu et façonné ce mouvement. Leur participation active à la réalisation du film apporte une authenticité et une profondeur uniques à cette recherche. Elle illustre par ailleurs comment le savoir peut être co-construit à travers l'engagement direct des acteurs et actrices de terrain. »
Que retenir de cette mobilisation historique ? En 2001, le tribunal administratif cantonal de Zurich a donné gain de cause aux plaignantes. Si les revendications ont abouti, c’est parce qu’elles avaient un dénominateur commun fédérateur, transversal, au-delà des particularités de chaque profession. « En d’autres termes, c’est la portée quasi anthropologique de la lutte qui lui a donné son ampleur et son succès », révèle Véronique Hasler. « Elle est venue questionner en profondeur notre rapport collectif à la santé, sur la nature des systèmes de santé : peut-on les considérer comme un milieu économique comme les autres ? ».
Le projet de recherche
Ce projet, financé dans le cadre d’un appel à projet Gendered Innovation de la HES-SO, examine la mobilisation emblématique pour l'égalité salariale lancée dans les années 1990 jusqu'aux développements de 2003. Une attention est portée au contexte et aux modalités par lesquelles ces professionnel·les font collectif, argumentent pour leur cause et s’engagent dans l’action. Par une approche de recherche participative, mobilisant des méthodes audiovisuelles, ce projet vise à alimenter la recherche, les enseignements et les réflexions politiques actuelles sur les luttes pour la reconnaissance des professions féminisées de santé en intégrant une perspective de genre.
Equipe
Virginie Stucki, HETSL, requérante principale
Véronique Hasler, HESAV, co-requérante
Carola Togni, HETSL, co-requérante
Sarah Kiani, HETSL, collaboratrice
Fazia Benhadj Djilali, HESAV, collaboratrice